Article rédigé à partir de conférences de Swami CHINMAYANANDA
Swami Chinmayanandaji, bien que lui-même ait choisi d’être moine, avait beaucoup d’élèves et de disciples mariés, pères et mères de famille. Il encourageait certains à prendre cette voie, quand il savait que c’était celle qui favoriserait leur évolution spirituelle. Il a ainsi béni des mariages et des naissances. En maintes circonstances, Swamiji a donné des indications sur la façon de vivre une vie de famille harmonieuse, propice au cheminement spirituel. Cet article s’appuie sur des conférences données par Swamiji sur ce thème.
L’harmonie dans le mariage demande une réflexion sur nos devoirs, nos responsabilités et ce qu’est la relation entre mari et femme. Prendre une naissance humaine est un privilège, car c’est là que la Connaissance suprême, la réalisation du Soi, peut être atteinte.
La tradition indienne définit quatre périodes de la vie (ashrama) :
“brahmâchârya ashrama” jusqu’à 25 ans : c’est la période pendant laquelle l’enfant puis le jeune étudie, en vivant avec son maître. Le but de cette période est la formation de la personnalité, et pas uniquement une accumulation de savoirs. Ayant réfléchi grâce à l’enseignement du maître sur le sens de l’existence, le jeune est prêt ensuite à s’engager dans la vie. Si l’on transpose cela dans la vie moderne, il est clair que quelqu’un doit jouer auprès de l’enfant le rôle d’un maître : les parents doivent veiller à ce que les enfants reçoivent une éducation qui harmonise leur personnalité, qui les prépare à la vie, et pas seulement à un métier.
“grihasta ashrama”, la vie de famille : beaucoup entrent dans le mariage avec l’idée que leur partenaire va leur procurer la compagnie, la sécurité, le bonheur et plus encore, combler le vide de la solitude et les aspirations non satisfaites. Mari et femme attendent de l’autre la plénitude, mais chacun est incapable de la fournir, d’où les conflits. Mais celui qui a reçu l’enseignement spirituel d’un maître a une vision claire de la vie. Il sait que la joie vient de l’intérieur et non du monde extérieur. Avoir cette connaissance évite les attentes excessives à l’égard de l’autre.
“vanaprastha ashrama”, après 50 ans : une fois les enfants devenus adultes, dans le cas d’une famille élargie qui était la norme autrefois, le couple des parents passait toutes les responsabilités de la maisonnée à leurs enfants. Les anciens restaient avec leurs enfants pour les guider, les conseiller quand leur avis était sollicité, et les aider à travers les épreuves et les difficultés. Mais ils cherchaient ni à contrôler ni à interférer. Si l’on se transpose dans la société moderne où le concept de famille élargie n’est plus qu’un lointain souvenir, cette attitude des anciens peut être une précieuse indication sur la manière de vivre les relations avec des enfants devenus grands.
“sannyâsa ashrama” : ayant expérimenté le monde et ayant purifié son esprit tout au long de sa vie, l’individu entre ensuite dans la dernière phase de son pèlerinage terrestre (aux environs de 70 ans). C’est “sannyâsa ashrama”, dont le but pour un véritable chercheur spirituel est de transcender le cycle des naissances et des morts pour réaliser la nature véritable du Soi. Ce cheminement vers l’Unique est entrepris seul. A notre époque aussi, une fois que toutes les obligations nous ont quitté, le seul devoir qui nous reste est de vivre cette dernière étape en ne visant plus que l’essentiel. Accumuler les activités, les distractions, les connaissances de toutes sortes, comme c’est la tendance aujourd’hui, ne fait que nous détourner du But.
Chacun de ces quatre âges a un but précis, et le “grihasta ashrama” a ses propres mérites, souvent mésestimés.
Les individus engagés dans la vie de famille soutiennent et nourrissent les trois autres âges de la vie, financièrement, émotionnellement et spirituellement. Ils déploient de grandes sources d’énergie, au service de leur famille et aussi du monde. Ils sont le véhicule des traditions culturelles, des rituels, qui contribuent à la paix et à la prospérité du monde.
Le Seigneur Lui-même se manifeste sous la forme de chargés de famille : Krishna, Râma... Cela nous montre à quel point cette voie est bénie et pleine de trésors spirituels.
Mais comment développer une relation maritale et une vie de famille harmonieuses ?
Swamiji donne plusieurs recommandations :
1/ l’amour : l’amour par nature est un flot, qui doit partir à la fois de la tête et du cœur. L’accomplissement de cet amour entre mari et femme est réalisé quand les deux flots d’amour deviennent un. Dans l’union, il y a la grandeur. Quand chaque flot d’amour respecte la nature de l’autre, en dépit des obstacles, il n’y aura pas de conflit. Emotions et expériences diverses peuvent naître, mais le but doit être l’union des partenaires, et au-delà, l’union avec toute la création.
Swamiji insistait aussi sur la nécessité d’exprimer aux enfants l’amour, sans mesure ni restriction. L’enfant a besoin pour se développer de se sentir aimé, et il faut lui montrer. Quand cet amour s’exprime, il sera l’inspiration à travers laquelle la mère et le père pourront semer chez l’enfant les graines des valeurs positives et des qualités intérieures. Ils ont à cet égard une immense responsabilité, car ils sont les premiers « guru » de l’enfant dans le monde.
2/ la patience : chaque individu est une combinaison de qualités positives et négatives. Si nous attendons de l’autre qu’il soit parfait, nous sommes totalement irréalistes. Chaque partenaire doit aider l’autre à dépasser ses faiblesses. Reconnaître nos faiblesses nous aide à les corriger peu à peu. Aimer l’autre en dépit de ses faiblesses est le chemin de l’amour véritable.
3/ le soutien : quand l’un des partenaires se sent abattu, découragé, le devoir de l’autre est de le réconforter, de l’encourager et de lui redonner confiance à travers prières, paroles, actions.
4/ la communication : il faut exprimer l’amour ressenti en le disant et en le traduisant par le comportement. Cela doit venir vraiment du cœur. Remerciez votre conjoint devant les autres pour les autres l’apprécient et le respectent aussi. Chacun doit se sentir suffisamment à l’aise pour que la communication soit complète et ouverte, afin que les ajustements nécessaires soient faits ensemble et immédiatement. Une communication verbale claire ne doit laisser de place ni au ressentiment ni au doute quant au message transmis.
5/ l’introspection : « En tant que conjoint, ai-je pris mes responsabilités ? » L’auto-vérification et l’introspection sont nécessaires pour éviter les erreurs.
Swamiji insistait sur la communication entre les époux et sur le flot constant d’amour et de force qui devait s’écouler entre eux. Les époux doivent garder ce but noble au milieu des occupations du monde. Le mariage n’est ni une lutte de pouvoir, ni un jeu d’intimidation, ni un rapport de forces, mais l’union de deux êtres, où chacun doit trouver force, amour, soutien, encouragement et amour.
Dans l’Inde ancienne, les mots sanskrits qu’un mari utilisait pour s’adresser à sa femme étaient : « patnî », c’est-à-dire celle qui guide son mari dans le voyage de la vie ; « dharmapatnî », celle qui guide son mari sur le voie du Dharma (la droiture et la responsabilité) ; et « sahadharmacharinî », celle qui avance avec son mari sur la voie du Dharma. Ces termes montrent le statut élevé dont la femme jouissait alors.
Enfin, il faut ajouter que dans la tradition de l’Inde ancienne, le mariage était considéré comme sacré, car s’il était vécu avec une attitude et une compréhension justes, l’époux et l’épouse se soutenant mutuellement, il les conduisait au but ultime de la vie : la réalisation du Soi, la réalisation de Dieu.
Sources texte :
http://vedantaspiritualite.over-blog.com/article-la-vie-de-famille-1-par-brahmacharini-bhakti-45604780.html
http://vedantaspiritualite.over-blog.com/article-la-vie-de-famille-2-par-brahmacharini-bhakti-45605187.html
Source image : http://www.chinmaya-sanjose.org/new/swamichinmayanandahome.shtml